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Plus de 120 ans après les massacres coloniaux perpétrés par la Mission Voulet-Chanoine au Niger, la France se dit prête à discuter. Mais dans une lettre officielle consultée par RADIOTAMTAM AFRICA, elle ne reconnaît toujours pas sa responsabilité historique.
« La France reste ouverte au dialogue bilatéral avec les autorités nigériennes, ainsi qu’à toute collaboration concernant la recherche de provenance ou la coopération patrimoniale », écrit la représentation française auprès de l’ONU, dans une réponse datée du 19 juin.
Cette réponse fait suite à une plainte portée par quatre communautés nigériennes, descendantes des victimes de la Mission Afrique Centrale (MAC) de 1899, adressée au rapporteur spécial de l’ONU, Bernard Duhaime, professeur de droit international.
En 1899, les capitaines Paul Voulet et Julien Chanoine, à la tête de troupes coloniales françaises, mènent une campagne d’une violence extrême à travers le Niger. Villages incendiés, objets culturels pillés, milliers de civils tués, corps pendus aux entrées des localités. À Birni-N’Konni, on estime que 400 personnes ont été massacrées en une seule journée. Des villages comme Tibiri, Zinder ou Dioundiou portent encore les stigmates de ces atrocités.
Ironie de l’histoire : le colonel Jean-François Klobb, envoyé pour mettre fin à l’horreur, est lui-même abattu par les soldats de Voulet.
Aucune enquête officielle. Aucun agent poursuivi. Une impunité complète.
Et aujourd’hui encore, la France invoque le principe de non-rétroactivité du droit international pour justifier son silence juridique.
« Il est bien établi qu'une violation du droit international suppose que l'obligation ait existé au moment des faits », peut-on lire dans la réponse française.
Selon l’avocate Jelia Sané, qui accompagne les plaignants, la France ne nie pas les faits, mais évite soigneusement de les affronter.
« Ils ne contestent pas, mais ils ne s’engagent pas. Ils connaissent les faits, car ils ont eux-mêmes enquêté sur certaines allégations. »
Pour Hosseini Tahirou Amadou, professeur d’histoire à Dioundiou, la reconnaissance officielle serait un premier pas vers la réparation.
« Lors de ces crimes, des objets précieux ont été volés. Nous demandons leur retour, mais surtout, la reconnaissance du crime. »
À ce jour, la Mission Voulet-Chanoine reste absente des manuels scolaires français. La France se contente d’indiquer que ses programmes laissent aux enseignants la liberté d’aborder ces sujets. Une réponse jugée insuffisante et évasive par les chercheurs et les victimes.
Alors que l’Union africaine a déclaré 2025 comme "Année des réparations", la pression monte. Le Niger rejoint une dynamique continentale déjà amorcée :
• L’Allemagne a reconnu les massacres en Namibie en 2021
• La France a présenté des excuses pour Sétif (Algérie, 1945), le Rwanda, Madagascar
Mais le cas du Niger reste un angle mort, et les victimes attendent encore un simple mémorial, un mot, un geste.
« Nous ne sommes pas des mendiants », déclare l’historien Mamoudou Djibo. « Nous voulons la vérité. Le reste viendra. »