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HISTOIRE : Toussaint Louverture, la mauvaise conscience de Napoléon Afrique 2050 06 mai 2021

06 mai 2021 à 17h55 - 3911 vues

Toussaint Louverture (1743-1803) en uniforme d’officier, avec bicorne à plumes et cocarde tricolore, par Maurin Nicolas-Eustache (1799-1850), un portrait conservé au musée du Nouveau Monde de La Rochelle. • CHRISTOPHELART

Par RadioTamTam avec La Vie

Deux cents ans après la mort de l’Empereur, l’esclavage pèse toujours sur sa mémoire. L’occasion d’explorer la person nalité du chef de l’insurrection servile de Saint-Domingue, qui défia son égal napoléonien.

Au soir de sa vie, Napoléon dicte ses Mémoires, qui seront publiées après son décès, le 5 mai 1821, sous le titre de Mémorial de Sainte-Hélène. Tout en bâtissant sa légende, l’Empereur confie ses regrets sur « l’affaire de Saint-­Domingue » : « J’ai à me reprocher une tentative sur cette colonie lors du consulat. C’était une grande faute que d’avoir voulu la soumettre par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint. »

Vingt ans auparavant, il avait ordonné l’emprisonnement du meneur de la révolte des esclaves de Saint-­Domingue, provoquant l’indépendance de l’ex-­colonie française devenue Haïti.

 « Le Napoléon noir, imité et tué par le Napoléon blanc », résuma Chateaubriand.

« Bigot, aimant catéchiser »

Célèbre dans le monde entier, Toussaint Louverture l’est moins en France, malgré l’accueil curieux de sa récente biographie par l’historien britannique ­Sudhir Hazareesingh. Fils d’esclaves sans doute originaires de l’actuel Bénin, Toussaint Louverture naît vers 1743 à Saint-Domingue, île des Caraïbes partagée entre la France, à l’ouest, et l’Espagne, à l’est. Riche en sucre et en café, la partie française prospère grâce à un ­esclavage démesuré : en 1788, elle abrite 400 000 esclaves, pour 30 000 Blancs et 22 000 mulâtres (métis) et Noirs affranchis.

Parmi eux, François-Dominique Toussaint, libéré à 33 ans par son maître, dont il est l’homme de confiance. « Il possédait une triple culture : africaine par ses parents, créole par son entourage et gasconne par ses maîtres, venus du sud-ouest de la France », raconte Jacques de Cauna, historien bordelais, ancien membre de la Société haïtienne d’histoire et fin connaisseur du personnage. Un rapport du gérant de la plantation le décrit comme un sujet intelligent, doué pour s’occuper des chevaux et « bigot, aimant catéchiser et à faire des prosélytes » !

Instruit par les Jésuites, Toussaint se distingue en effet par ses connaissances bibliques, dans une colonie où les esclaves sont tenus à l’écart de la messe. « Le Code noir prévoyait l’accès aux sacrements pour les esclaves, or les colons ne voulaient pas qu’ils y puisent des ressources morales, souligne Charles Vaugirard, blogueur catholique français d’origine haïtienne. Ce christianisme a minima a créé le vaudou haïtien, un syncrétisme entre catholicisme et animisme africain. » Mais Toussaint se méfie du parfum de sorcellerie du vaudou.

Fidèles à Louis XVI

C’est précisément lors d’une cérémonie sacrificielle vaudoue au Bois-Caïman, dans la nuit de l’Assomption 1791, que Saint-Domingue plonge dans le sang. Les esclaves noirs se soulèvent et massacrent les Blancs. Alors que les colons aisés ont bien accueilli la Révolution en métropole, les Noirs affranchis et les mulâtres qui prennent la tête de la révolte, dont ­Toussaint, se déclarent fidèles à Louis XVI, ce roi pieux que l’on dit favorable à l’abolition de l’esclavage.

Cavalier hors pair, doté d’un sens inné de la stratégie, Toussaint gagne son nom de guerre, tant il fait « ouverture » partout ! À sa mort, les insurgés passent au service de l’Espagne et attaquent les Français depuis la partie orientale de l’île. Cavalier hors pair, doté d’un sens inné de la stratégie, Toussaint gagne son nom de guerre, tant il fait « ouverture » partout !

Lorsque l’Angleterre, appelée au secours par de nombreux colons, en profite pour envahir Saint-­Domingue, Toussaint Louverture saisit la main tendue du général Étienne Laveaux et rallie la France en mai 1794. L’abolition de l’esclavage décrétée à Saint-­Domingue le 29 août 1793, puis ratifiée par la Convention, à Paris, le 4 février 1794, scelle cette alliance victorieuse. Au bout de quatre ans de ­combats, le désormais général Louverture chasse les ­Britanniques et, prenant l’ascendant sur ses supérieurs, assoit son autorité sur l’île.

Une relation complexe entre égaux

Aussi implacable avec ses ennemis qu’habile administrateur, il relance l’économie en remettant les anciens esclaves au travail dans les plantations et accorde l’amnistie aux colons blancs pendant des messes, ce qui exaspère les très anticléricaux représentants de la République. « J’attribue à Dieu, seul moteur de toutes choses, tout ce que j’ai fait de bien dans le cours de ma vie politique, riposte Toussaint dans une lettre au gouverneur Hédouville. Et plaît à Dieu que mes frères en général aient ma religion. Guidée par l’impulsion de leur conscience timorée, la France n’aurait pas de plus zélés défenseurs. »

Quand Napoléon Bonaparte prend le pouvoir, en 1799, il doit composer avec ce chef de guerre de l’autre bout du monde, devenu de facto le maître de Saint-­Domingue. « Ils surgissent en même temps, avec 25 ans d’aînesse pour Toussaint, décrypte Jacques de Cauna. Ils sont deux insulaires, à peine français : Toussaint est né esclave, et Napoléon, appelé par les Anglais “le mulâtre méditerranéen”, vient d’une Corse qui fut génoise. Enfin, Toussaint a rappelé les colons, comme Bonaparte avec les émigrés en France. »

Entre ces glorieux égaux, séparés par un mois de navigation, démarre une relation complexe. Bonaparte penche d’abord pour une alliance avec Louverture. « Cette île serait aux Anglais, si les Nègres ne nous étaient attachés par l’intérêt de leur liberté », déclare-t-il au Conseil d’État, en 1800, jugeant qu’il vaut mieux « une sucrerie de moins » pour « une citadelle occupée par des soldats amis ».

Contrairement à une légende tenace, son épouse ­Joséphine, fille de colons martiniquais, plaide en faveur du général noir, qui a protégé les biens de sa famille à Saint-Domingue. En mars 1801, le ­Premier Consul adresse une lettre à Louverture, lui demandant officiellement de gérer la colonie. « Le gouvernement ne pouvait pas vous donner une plus grande marque de confiance », écrit Bonaparte. La lettre ne fut jamais envoyée : en août 1801, ­Toussaint est radié des officiers de l’armée française, et le général Charles Victoire Emmanuel Leclerc, beau-frère de Bonaparte, monte une expédition pour reconquérir Saint-Domingue.

Déporté malgré les promesses

Comment expliquer un tel revirement ? Napoléon dira à Sainte-Hélène avoir été manipulé par les planteurs, dont certains se satisfaisaient pourtant du régime de Toussaint. D’ailleurs, un des partisans de l’invasion est Jean-Baptiste Belley, député noir de l’île, ardent jacobin et inspirateur de l’abolition de l’esclavage.

En réalité, le Premier Consul soupçonne le général noir de préparer l’indépendance. Cette année 1801, Toussaint annexe la partie espagnole de l’île et dote Saint-Domingue d’une Constitution qui le fait gouverneur à vie. « Sa Constitution est autonomiste, mais il ne veut pas rompre avec la France, assure Jacques de Cauna. Il ne fait que reprendre le souhait des colons de se gouverner eux-mêmes, et de commercer avec les Anglais et les Américains. »

En février 1802, 30 000 hommes débarquent dans la colonie et la soumettent. Malgré la promesse de liberté négociée lors de sa reddition, Toussaint est déporté en France, le plus loin des côtes : au fort de Joux, sur les hauts plateaux du Jura, où souffle la bise. « En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses », prophétise-t-il sur le navire qui le mène vers sa cellule glaciale.

Bérézina tropicale

Les événements ne tardent pas à lui donner raison. En juillet 1802, le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe par Napoléon met le feu à la colonie. « Il ne pouvait pas avoir d’autre idée que celle-ci, dans la mesure où l’économie des Antilles ne tenait que par ce système, explique l’historien bordelais. On ne peut le voir avec l’esprit d’aujourd’hui. » Harcelées par la guérilla des Noirs, décimées par la fièvre jaune – le général Leclerc en premier –, les troupes françaises ­réagissent comme elles l’ont fait pendant les guerres de Vendée, et comme elles le font quelques années plus tard en Espagne : les prisonniers sont torturés, noyés au large de l’île, livrés à des chiens de combat… Ces crimes n’empêchent pas le triomphe du général noir Jean-Jacques Dessalines sur les 8 000 survivants du corps expéditionnaire, lors de la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803. La Bérézina tropicale de Saint-­Domingue est le premier grand échec de Napoléon.

Pendant ce temps, au fort de Joux, Toussaint est mort d'une pneumonie due au froid, le 7 avril 1803. Son rêve de concorde n’est pas partagé par Dessalines, qui proclame l’indépendance en 1804, baptisant le pays du nom indien d’Ayiti, et ordonne l’extermination des habitants blancs. Le carnage est tel qu’un des bourreaux, Jean Zombi, donne son nom à une figure maléfique du vaudou haïtien.

« À l’époque, les milieux conservateurs anglais et américains sont terrifiés, expose Philippe Girard, enseignant à la McNeese State University, en Louisiane. Cela a conforté le sud des États-Unis dans son refus de libérer les esclaves. » Paradoxalement, Dessalines, subjugué par le modèle napoléonien, se proclame empereur sous le nom de Jacques Ier ! Un décorum qui n’empêche pas Haïti, minée par les rivalités entre Noirs et mulâtres, et sommée par Charles X de verser à la France une « indemnité d’indépendance » de 90 millions de francs jusqu’en 1886, de sombrer dans un tunnel de révolutions de palais dont elle n’est pas encore sortie. L’élan brisé de Toussaint Louverture attend une suite.

À Sainte-Hélène, le sceptique Napoléon se laissait inspirer par l’Esprit. « J’ai porté la couronne impériale de la France, la couronne de fer de l’Italie ; et maintenant l’Angleterre m’en a donné une autre plus grande encore et plus glorieuse – celle portée par le sauveur du monde – une couronne d’épines. »

Mot pour mot, c’est ce que Toussaint lui avait écrit, dans une ultime lettre avant de mourir au fort de Joux : « J’ai travaillé longtemps pour acquérir l’honneur et la gloire de mon gouvernement et l’estime de mes concitoyens, et je suis aujourd’hui couronné d’épines », confiait l’agonisant. « Premier Consul, il est malheureux pour moi de n’être pas connu de vous. »

S’ils s’étaient rencontrés et appréciés, qui sait ce que les deux hommes auraient accompli ensemble ?

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